Harcèlement Travail-Solidarité 66

Alors que les troubles psychiques liés au travail sont en constante augmentation, rares sont les cas reconnus au titre des AT-MP. Pourtant, il est possible de déclarer la maladie en tant qu'accident du travail, à condition que le critère de soudaineté du fait soit respecté. Quant à la reconnaissance en maladie professionnelle, elle ne peut s'obtenir qu'après avis du CRRMP, puisque aucune pathologie mentale ne figure dans les tableaux de MP.

Dépressions réactionnelles d'origine professionnelle, burnout, syndrome de stress post-traumatique… Ces troubles psychiques - parmi d'autres - liés au travail ne sont que rarement reconnus comme tels. Bien que les connaissances scientifiques sur ce thème s'enrichissent régulièrement, l'idée que le travail pourrait, dans certaines conditions, être pathogène pour la sphère psychique rencontre en effet bien des oppositions.

La reconnaissance en accident du travail

Les tableaux de maladies professionnelles ne mentionnent aucune maladie due à des facteurs psychiques. Aussi la plupart des déclarations officielles de ces maladies s'effectuent-elles au titre du risque "accident du travail" et non "maladie professionnelle", avec les difficultés de reconnaissance que l'on peut imaginer.

La reconnaissance de la pathologie n'a pas d'incidence sur le niveau d'indemnisation de la victime. Elle facilite toutefois la prise en charge, puisqu'il n'existe pas de condition relative à un taux minimum d'incapacité permanente partielle (IPP). Encore faut-il qu'il y ait respect du critère de soudaineté, qui caractérise l'accident du travail. Rappelons que celui-ci est défini comme étant un fait accidentel "survenu par le fait ou à l'occasion du travail" et correspondant, selon une décision de la Cour de cassation, à "l'action violente et soudaine d'une cause extérieure provoquant une lésion de l'organisme humain".

Le recours au CRRMP

Pour les pathologies psychiques ne relevant pas de l'accident du travail en raison de l'absence de soudaineté, la possibilité d'une indemnisation ne peut passer que par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). La condition requise est que le malade soit atteint d'une incapacité de travail de 25% au moins ou qu'il soit décédé suite à son affection.

Composé de trois médecins (médecin-conseil régional, médecin-inspecteur régional du travail et de la main-d’œuvre et praticien hospitalier compétent en médecine du travail), le CRRMP doit se prononcer sur le fait que la maladie est "essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime" (alinéa 4 de l'art. L. 461-1 du Code de la Sécurité sociale). Pour cela, il étudie le dossier qui lui est présenté par la caisse primaire. Ce dossier comprend :

  • Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit ;
  • Un avis motivé du médecin du travail ;
  • Un rapport circonstancié du ou des employeurs décrivant les différents postes de travail occupés par la victime, afin d'apprécier les conditions d'exposition à un risque professionnel ;
  • Les conclusions des enquêtes éventuellement conduites par la caisse ;
  • Un rapport établi par le médecin-conseil de l'échelon local ;
  • L’enquête technique éventuellement effectuée par le service prévention de la Cram.

L'ingénieur-conseil, chef du service de prévention de la Cram, est obligatoirement entendu. Si le comité l'estime nécessaire, la victime et l'employeur peuvent également être entendus. L'avis du comité déprendra donc fortement de la nature des éléments qui seront portés à sa connaissance. L'existence d'un "lien direct et essentiel" entre maladie et travail doit être fortement argumentée pour emporter l'accord des trois membres du comité.

Deux types de raisons sont généralement invoquées par les comités pour rejeter les dossiers relatifs à des pathologies psychiques :

1. Au vu du dossier, les connaissances scientifiques et médicales actuelles ne permettraient pas de démontrer, avec un degré de certitude suffisant, l'existence d'un lien de causalité entre le trouble mental diagnostiqué et un risque psychique au travail.

2. L'aspect multifactoriel de la pathologie mentale ne permettrait pas d'établir un lien essentiel : il est difficile de faire la part de la responsabilité du facteur professionnel et des autres facteurs (prédispositions individuelles, familiales, environnement social).

Comment étayer l'argumentation

Pour établir le lien entre maladie et travail, il est nécessaire de replacer le désordre psychologique dans son contexte d'apparition et de questionner l'articulation entre l'histoire singulière de la victime et l'histoire collective dans le milieu professionnel. Le dossier soumis au CRRMP doit donc être instruit prioritairement du côté du travail et non des relations interpersonnelles.

Lors de la constitution du dossier, il faut s'attacher à :

1. Identifier un ou des changement(s) dans le cadre du travail qui marquent une rupture dans l'histoire professionnelle de la personne.

2. Analyser l'organisation et les conditions de travail pour rechercher les facteurs psychosociaux et tous éléments qui pourraient expliquer une décompensation psychopathologique aiguë ou progressive, conformément aux données de la littérature: intensification du travail avec perte de l'autonomie décisionnelle, contraintes temporelles majeures, disparition du collectif de travail, individualisation du travail avec confrontation directe aux exigences de la clientèle, absence de soutien social, absence de reconnaissance matérielle ou symbolique du travail accompli, perte du sens du travail, pressions psychologiques répétées pouvant aller jusqu'à la maltraitance managériale, procédures d'évaluation individuelle sur des critères de rentabilité accompagnées de sanctions éventuelles, etc.

3. Replacer l'histoire individuelle dans l'histoire de la collectivité de travail (équipe, atelier, entre prise…). L'existence d'autres décompensations dans l'entreprise ou d'une souffrance mentale collective identifiée est un argument fort pour établir le critère"essentiel" du lien.

4. Mettre en évidence une cohérence chronologique entre ces éléments et les éléments médicaux. Il est important de rechercher dans l'histoire de la personne les éléments d'une souffrance discrète précédant la décompensation, avec toutes les procédures défensives qui peuvent s'y rattacher (arrêts de travail répétés ou prolongés, conduites addictives, prise de psychotropes au long cours…).

Etayer un dossier de cette façon est difficile, car les informations et leurs sources sont cloisonnées, dispersées. De par sa connaissance de l'entreprise, des collectifs de travail et du salarié, le médecin du travail est un des acteurs les mieux placés pour rassembler les informations et mettre en évidence le lien de causalité entre une histoire singulière et le travail réel. C'est pourquoi son avis motivé est une pièce essentielle du dossier. Ses arguments seront d'autant plus solides qu'il aura suivi une formation et possédera des connaissances actualisées en psychologie du travail et psychodynamique du travail.

Il faut noter que l'existence d'antécédents psychiatriques fragilise le dossier, le lien essentiel étant alors difficile à prouver. Cependant, un rejet systématique sur ce seul motif serait insuffisamment fondé : de même que les sujets allergiques sont considérés comme les "sentinelles" de l'environnement chimique, les personnes psychologiquement fragiles (ou fragilisées) pourraient être considérées comme les sentinelles de l'environnement psychosocial. Les facteurs de personnalité conditionnent les stratégies d'adaptation et les modalités de décompensation éventuelle chez les personnes soumises à un stress chronique au travail. Dans la très grande majorité des cas, ils ne constituent pas les facteurs de risque essentiels à l'origine de ces décompensations.

Au-delà de l'importance sociale pour les victimes, la reconnaissance des maladies psychiques au travail est un des éléments participant à la mise en visibilité de ce problème de santé publique. Elle peut être, dans l'entreprise, le facteur déclenchant pour débattre du travail et de son organisation, préalable nécessaire à d'éventuelles actions transformatrices.

Gérard Lasfargues, Professeur en médecine du travail, et Bernard Arnaudo, médecin-inspecteur régional du travail
Article Web - 01 octobre 2005.

 

Source : Santé et Travail

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